14621. Oublieuse mémoire
- Author:
- Octave Debary
- Publication Date:
- 06-2001
- Content Type:
- Journal Article
- Journal:
- French Politics, Culture Society
- Institution:
- Conference Group on French Politics Society
- Abstract:
- Le petit musée consacré aux oeuvres d'Ambroise Fleury, à Cléry, n'est plus aujourd'hui qu'une attraction touristique mineure. La plupart des visiteurs s'y rendent après un déjeuner au Clos Joli, que tous les guides de France sont unanimes à célébrer comme un des hauts lieux du pays. Les guides signalent cependant l'existence du musée, avec la mention « vaut un détour ». On trouve dans ses cinq salles la plupart des oeuvres de mon oncle qui ont survécu à la guerre, à l'occupation, aux combats de la Libération et à toutes les vicissitudes et lassitudes que notre peuple a connues. (...) Malgré le peu d'intérêt qu'il suscite, et la modestie de la subvention qu'il reçoit de la municipalité, le musée ne risque pas de fermer ses portes, il est trop lié à notre histoire, mais la plupart du temps ses salles sont vides, car nous vivons une époque où les Français cherchent plutôt à oublier qu'à se souvenir. Reprenant la question qu'Adorno adresse à la poésie, François Mairesse, dans son analyse de l'histoire des musées, pose la question suivante : « Peut-on encore concevoir un musée après Auschwitz ? ». Dans la logique de mon propos, la véritable question qui est ici posée est la suivante : peut-on encore concevoir d'oublier-après Auschwitz ? Concevoir d'oublier après Auschwitz reviendrait à accepter l'idée de pouvoir oublier Auschwitz. Le musée est un instrument d'oubli. D'où l'effroyable question de savoir si l'on peut encore faire des musées après le drame d'Auschwitz. On a continué de faire des musées, on a même fait un musée d'Auschwitz dont Primo Levi a parlé.